THIERRY GAHINET - LA VIE EN CHANSONS

jeudi 31 août 2006

TRENETEMENT


Pour la joie de chanter trénètement, il suffit de trouver le parterre propice à la germination de chansons. Entre la graine première et la posture finale, il n'est pas de règles. Il est des chansons comme des plantes. Certaines ont une croissance époustouflante. D'autres peinent à trouver le brin de lumière indispensable à leur floraison. L'aboutissement est le bonheur de la chanter et de l'offrir.

Mais le bonheur peut être éphémère. L'ennui peut s'installer sournoisement entre l'interprète et la chanson. La séparation semble alors inéluctable. Elle hibernera dans un tiroir, dans le fond d'une archive. Parfois, un miracle en fait ressortir une à la vraie vie, au hasard du hasard.

Je sais que la bonne chanson vieillit bien au temps. Trente ans après, elle doit plaire encore comme au premier jour. Un nouvel habillage de printemps est sans doute recommandé pour sortir la jolie demoiselle, frileuse mais heureuse de retrouver une nouvelle jeunesse.

En tout cas, une chanson a besoin d'être enregistrée pour lui donner un écrin confortable, joliment harmonisée par quelques intruments soyeux.

J'aime qu'une chanson vive sur un disque car elle est accessible au plus grand nombre.

(Photo : La rage de chanter)

jeudi 24 août 2006

CHANTEUR TABOURET

Dans les années 85, il ne faisait pas bon chanter à la Brassens, en se grattant le ventre inexorablement. Un certain journaliste avait qualifié, avec un mépris certain, ce genre de pratique de "chanteur tabouret". Pas facile à cette époque de poursuivre son bonhomme de chemin quand le tout électrique envahissait les scènes. J'étais devenu quelquepart un ringard interdit des plateaux.
Depuis quelques années, Retour sur la simplicité, le naturel, l'écologie culturelle si vous voulez. C'est donc maintenant d'une distinction fatale que de s'afficher avec une guitare électro-acoustique bien chevillée au corps. Juste retour des choses, phénomène de modes, besoin de changement, la nouvelle génération revient donc au concept de l'accompagnement sommaire, comme Lapointe Bobby, déjà avec sa guitare.

J'opte donc pour la tolérance. J'accepte tous les styles, tous les voisinages. Mais de grâce, monsieur le journaliste, ne soyez pas, si catégorique.
(Photo : Une nouvelle formule pour se produire : la guitare de jardin)

dimanche 20 août 2006

CABARET

Avant de les fréquenter en acteur, j'y ai été spectateur. Kloz en douet, à Merlevenez, tenu par Le truculent Lucien Gourong, m'a conduit vers Monique Morelli, Jehan Jonas, Anne Vanderlove, Ricet Barrier, Jean Marie Vivier et tant d'autres.
J'ai chanté dans les cabarets où l'on mange, les plus difficiles sans doute. Dans les années 80, fleurissaient un peu partout en Bretagne les soirées-cabarets dans les bistrots. Lorsqu'on arrivait sur le lieu, on s'inquiétait de savoir si ça se passait près du comptoir ou dans une salle à côté. S'il vous plait, aubergiste, ne servez pas de consommations pendant le spectacle. Bien sûr, camarade, on, respecte les artistes ici.
J'avais une très volumineuse sono orangée. L'ampli et la table de mixage contenus dans des boites savamment agencées par le père de Dom Le Guichauoua nous suivaient dans nos pérégrinations. A vrai dire, j'ai toujours préféré chanter sans sono. Personnellement, je trouve que la sono est une barrière devant le public. Etre au milieu d'une cinquantaine de personnes et écouter le silence au milieu d'une chanson, c'est un peu comme le début d'une extase.
j'aime aussi la chanson qui a du coffre, le direct sans effet, le naturel. Merci au cabaret et je veux très vite le retrouver.
(Affiche du cabaret Le Paris à Brest)

CHANTER LA POESIE

Sujet épineux et polémique, très souvent débattu. Faut-il mettre des poèmes en musique et les chanter ? N'allons pas détourner, déformer le poème en le travestissant.
La réponse ne peut être globale. Tout dépend du contexte et de la forme d'écriture du poète.
Il est des poésies très bien adaptées à la chanson par le découpage et le rythme adoptés. Je ne peux m'empêcher de donner en exemple les poèmes d'Aragon mis en musique par Jean Ferrat ou Léo Ferré. Le résultat est splendide et a permis au plus grand nombre d'aborder le reste de son oeuvre. Et je pense aussi à ce merveilleux texte de Louis Amade si court, si simple "Quand il est mort le poète", chanté par Gilbert Bécaud. L'association de Prévert et de Montand est une réussite parfaite. Les adaptations des textes de René Guy Cadou par Manu Lann-Huel, Servat ou mon amie Martine Caplanne restituent très bien l'univers de l'instituteur de Sainte Reine de Bretagne.
Parfois le texte est bien sûr plus difficile d'accès pour le grand public. Mais le jeu en vaut la chandelle.
Je me suis permis de me livrer à ce jeu avec certains textes d'André Daviaud. Je pense à "Fendez le ciel" ou "Une ile", où j'ai essayé, non seulement de les chanter, mais aussi de restituer un climat, une chaleur, un esprit. Il est souhaitable de bien connaître l'auteur et de lui communiquer les fruits de son travail. Si le maître est heureux du résultat obtenu, je suis sûr que je ne l'ai pas trahi.
Le poème devient alors une chanson. Seuls les grincheux s'en plaindront sans doute.
(Photo de la couverture du recueil de poèmes d'André Daviaud "Un soleil à la mer")

samedi 12 août 2006

CHANSON ENGAGEE

Chanson engagée ....... J'en ai écrit quelques unes que je ne renie absolument pas .
Vous découvrez sur la photo "La France c'est pas seul'ment l'champagne, c'est une marchande de canons", refrain de "Made in France". J'ai également signé "Multinationales', pamphlet contre l'hégémonie des grandes entreprises.
Et puis "Au pays de l'indifférence" sur la Bretagne.
J'ai adoré interpréter, à mes débuts, des chansons de Jehan Jonas : Le flic de Paris ou mentalité française.
Mais ce n'est pas ma tasse de thé. Très vite j'ai dérivé vers la chanson tout simplement.
Une chanson engagée, sauf rares exceptions (la butte rouge, Craonne) , vieillit mal. L'actualité immdédiate du texte passe.

vendredi 4 août 2006

PUBLICITE - BRUDEREZH

N'allez pas chercher l'avenant au contrat passé avec les producteurs bretons de tripes !
Bidonnez vous devant cette publicité pour la consommation d'abats, mitonnée bien avant la crise de la vache folle.
Admirez le décor minimaliste du joyeux consommateur qui sait associer la tripe à un bon bordeaux des familles.
Appréciez le recyclage de l'emballage, bien avant l'écriture de la "ronde des chapeaux".
Un slogan facile sur une ardoise d'écolier, en breton, rappelle l'impératif du message.
Voici donc sur cette photo ma seule concession à la fée publicitaire.
(Photo : Campagne régionale des producteurs de tripes)

mercredi 2 août 2006

GLENMOR

Il avait de la terre les aspérités des cailloux des champs. Ce chanteur, aux allures de grand séminariste, arranguait les parterres avec les flammes de mots sentinelles. Grand seigneur des feux du printemps, il arpentait les landes et les lieux dits pour réveiller simplement la fierté d'être breton.
Katell déroulait un poème de Grall pour adoucir le fracas de sa voix. Sa voix, puissante et altière, poussait les murs des maisons bourgeoises. La jeunesse se ralliait à son chant. Il nous donnait rendez-vous avec notre mémoire collective, si longtemps repoussée dans un abime de certitudes et de contradictions.
Je l'ai entendu la première fois en 1963, un dimanche après midi, dans ce juvénat de Kérozer. Comment avait il trouvé ce contrat ? Nous vivions carrément en autarcie dans notre pensionnat.
Ce fut mon premier choc avec la chanson. Je l'entends encore clamer sur l'estrade de notre salle d'études "les grands, les gros, les gras sont du voyage" ou encore "Du fond de ma prison, je crois en la joie qui vient de la terre". Je l'ai revu maintes fois par la suite. J'ai partagé la scène avec l'artiste.
Et je me souviens de cette journée chez lui à Glomel où André Georges Hamon avait réuni tous les artistes chanteuses et chanteurs bretons. Merci à toi, Milig, d'avoir ouvert les portes de la nuit et d'avoir osé chanter tout simplement.
(Photo : Avec Katell et Guy Monfaur, photo prise par Mona Ar beg à Glomel lors d'une rencontre du collectif Chanson Bretagne en 1983)

XAVIER GRALL

Xavier Grall, c'est d'abord une gueule. Puis son amour immodéré pour son pays : la Bretagne et son plus petit pays d'adoption coincé entre les avens, lui le landivisien du Nord. Il cumule toutes les énergies, celles des bretons expatriés et celles de ceux restés au pays. Il incarne une Bretagne sensuelle, physique, charnelle. Il découvre les blessures de sa culture originelle. Il veut un pays debout, qui marche, qui redécouvre sa langue, lui le non-bretonnant.
Et c'est surtout le poète , au lyrisme éclatant, aux textes d'une beauté souveraine.
Les poèmes de Xavier sont merveilleux à lire, à dire, à clamer ou chuchotter.
Je vais souvent marcher dans ses pas sur les chemins de Kerdruc et de Roz Glas.
Voici un court extrait du poème "Tristan", tiré du recueil "La sône des pluies et des tombes".
Sur les villages dormants tintent les pluies mortelles
J'ai perdu ma vie, j'ai crevé mon cheval
follement j'ai brûlé ma vie comme une lampe
adieu chemins, adieu vallée, adieu
au val sans retour je descends le corps et la démence
se taisent les mésanges, croassent les freux
(Photo: Xavier Grall par Michel Thersiquel)