THIERRY GAHINET - LA VIE EN CHANSONS

mardi 30 août 2005

LOCMIQUELIC

Locmiquelic, un bourg comme les autres ! De son point extrême, toutes les rues se jettent dans la rade, tantôt vase, tantôt mer. Par grandes marées, les minuscules champs en bordure devenaient des lacs où nous roulions nos radeaux de tonneaux et de bois. A marée basse, on s’aventurait sans cesse dans le chemin praticable à travers les trous d’eau, les trous de bombe.
On se risquait à piéger les mulets dans nos filets de ficelle.
On avait nos repères : la trembleuse où le sol frémissait sous nos pas, la rivière du sable où l’on se baignait tout l’été, l’île aux souris enfin, minuscule monticule plus au loin vers Kersabiec. En face Lorient avec ses grues et ses bateaux gris, feux d’artifice de couleurs incertaines lorsque la nuit venait. Ceux de Talhouet partageaient cet espace en deux bandes rivales que l’on peut bien identifier : les quatre du haut et les trois du bas. Je faisais équipe avec Déjo Tonnerre, Jean Pierre Le Pailh et Denis Maguer. La vasière nous donnait en abondance des flèches de roseaux pour nos arcs. L’arme suprême consistait à rajouter au bout de la flèche en pétard à mèche que l’on enflammait juste avant de lâcher la détente. On avait nos cabanes comme tous les enfants et pêchait les têtards où l’eau était plus douce.
Je ne restais pas toujours avec ma bande. Je fréquentais aussi la vasière avec ma petite sœur Marie Paule, de trois ans ma cadette et avec Dominique ma cousine de Paris qui habitait loin de ses parents chez sa grand-mère Blanche. Marie Paule, un brin rebelle, déterminée, partageait avec moi beaucoup de jeux. En haut dans la maison, de chaque côté de la grande chambre, on avait nos deux réduits. Le mien transformé en champ de bataille ou en classe d’école, le sien souvent aménagé en maison modèle. Elle écrasait des biscottes dans des mélanges liquides bizarres. On passait de son domaine au mien au fil des jeux de des jours. Lorsque Dominique venait à la maison, c’était la fête. J’étais amoureux de ma petite cousine comme personne au monde. On ne s’ennuyait jamais tous les trois. On affectionnait aussi le haut du long jardin de cousin Maurice, son grand-père, endroit couvert de pommiers ombrageux l’été et si lourd en automne. Quand venait la saison du cidre, dans la cave sombre et inquiétante du cousin, montaient les odeurs mélangées du pressoir et du jus. Les hommes tournaient pour écraser les pommes et nous nous tournions autour d’eux captivés par la machine. Marie Paule et moi, et le spectacle. C’est venu des veillées de colo. Nous répétions tous deux durant des heures sketches et chansons. Etablir le programme, chercher les costumes, trouver enfin l’harmonie des deux vois mélangées. Le mélodica vert et blanc, mon premier instrument, accompagnait la voix de ma sœur sur toutes les chansons des années soixante. Venaient les représentation devant nos parents d’abord puis dans le cave pour les voisins et les voisines. On a démêlé là les ficelles du spectacle. La vie nous a donné ainsi ses plus beaux atours de comédiens.
(Photo : Sainte Catherine l'embarcadère pour kéroman à Locmiquélic)

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