THIERRY GAHINET - LA VIE EN CHANSONS

mardi 26 juin 2007

SUR L'ESCALIER DE LA GLOIRE

POUR GRAVIR LES ECHELLES DE LA CHANSON SANS DESCENDRE TROP VITE L'ESCALIER DE L'INDIFFERENCE.

Certains commençaient, au temps jadis , dans ces cabarets de la rive gauche. Ils arboraient fièrement des noms suggestifs comme l'échelle de Jacob. Décidemment, cette échelle à monter de bas en haut, de la base au sommet de l'affiche, nécessite un sacerdoce exacerbé. Toutes vos pensées d'artiste doivent se diriger vers l'aboutissement final de la reconnaissance universelle. Arracher chaque jour un peu plus de lumière aux projecteurs de la scène pour devenir un jour un mythe, une bête sacrée vénérée, adulée, copiée, caricaturée mais aimée, aimée.
Je vous rassure tout de suite, chers voisins de clavier, certains arrivent en haut d'un seul coup, d'un trait de génie d'un producteur clairvoyant. Du jour au lendemain, les voici vedettes sans avoir goûté le bonheur ascétique de la vache enragée. Méfions nous, la chute en est souvent que plus rude. Mais, ils auront eu, malgré tout, leur part de gloire, si éphémère soit-elle, dans la galaxie des étoiles et des stars. Leurs chansons auront été diffusées, écoutées, fredonnées, chantées, reprises. Pour celles et ceux qui durent des dizaines d'années durant, c'est le jackpot, le ticket gagnant, l'art et la manière de passer les modes et les courants. Donnez nous donc leur secret, leur élixir de longévité ! y-a t'il une recette imparable pour connaitre le succès ? Est-ce donc le mélange savant d'ingrédients indispensables : le talent mixé à un excès d'ambition, assaisonné d'un charisme renversant, sublimé par un physique ravageur. Ajoutez-y la pincée de chance ....
Les chansons sont comme leurs interprètes : mortelles. Quelques unes, seulement, survivront au temps assassin, longtemsp, longtemps, après ......... Vous connaissez la suite sur ce si beau texte de Trénet.
Mais laissez moi une pensée bienveillante à toutes celles et à tous ceux qui qui ne seront jamais reconnus. Lassés, fatigués, ils renoncent avec plus ou moins de philosophie, avec beaucoup de dépit et tellement d'amertume. Certains peuvent sombrer corps et bien. Au bout de quelques années de galères, l'artiste doit souvent laisser ses illusions perdues au panier de l'indifférence pour se résoudre à troquer son habit de scène pour la discipline de l'employé modèle.
La grande mécanique des medias ne fonctionne qu'avec un nombre limité de pièces qu'il faut renouveler régulièrement. Terrible diktat de l'audience, le métier choisit dans la multitude des talents celui qui, leur semble t'il, pourra séduire l'auditeur.
Des artistes, bien sûr, ont un public sans passer systématiquement par les grandes radios et chaines de télévisions. Ils ont une reconnaissance certaine d'un public, différent du "grand public", de cette masse de consommateurs potentiels. Même s'ils vivent de leur passion, la frustration de ne pas être diffusés comme ils le méritent, leur font ressentir leur parcours comme un pied de nez au système, comme une grande injustice.

De traversée du désert en résurrection, de doutes en certitudes, de renoncement en extase, ainsi va l'artiste balloté par l'obsession de gravir ces foutues marches de l'échelle.
(à défaut d'échelle, je pose avec au fond un bel escabeau)

A PLUSIEURS VOIX


SI JE ME FAISAIS L'INTERPRETE


lundi 25 juin 2007

FANTOMES DE CABARET

Depuis des années, j'écris des poèmes. Pour ce recueil, j'ai voulu rester dans le domaine de la chanson et du spectacle. Je vous propose donc des textes inspirés par la scène. Vous trouverez donc "le micro", "le rideau", "première chanson", "soufflleur de verre". Pour moi, cela m'a permis de laisser des impressions dans les coulisses de ma mémoire. J'aime la liberté de la poésie dans la structure moins contingentée de l'écriture. J'aime le travail sur la musique des mots, sur la sonorité, sur la respiration, sur le rythme nécessaire à tout poème qui se respecte.
"Fantômes de cabaret", titre en référence à ces lieux si longtemps fréquentés et à ses rencontres insolites.

Avant de les publier dans un petit fascicule, illustré par Maripaol Daviaud, Malou Davaut et Maryvonne Le Thuaut, j'ai voulu le coucher sur la toile. Chaque texte est illustré par une photo, comme un clin d'oeil à des moments vécus, mettant en scène une soirée ou des amis. Je vous souhaite donc un merveilleux voyage dans les coulisses du spectacle.

(Photo : émission dans les studios de Radio France Breizh-Izel)

dimanche 24 juin 2007

ET DANS LES CABARETS

Tu me plaisais encore
Aux bras de ton amant
Je faisais des chansons
Simplement pour te plaire

Quand dans les cabarets
Je défaisais le monde
C’est pour toi pour toi seule
Que je trompais l’ennui




Et dans les cabarets
Aux fièvres de l’absence
Le temps se désaccorde
Aux cordes des pianos

Tu avais des folies
J’avais des mappemondes
Je ne saurai jamais
Deviner tes envies

(Un texte du livret "Fantômes de cabaret")
(Toile de Malou Davaut)

LE RIDEAU

LE RIDEAU
Le rideau s’insinue
dans les plis de la scène
Rouge
insistant
Barrière de velours

D’un côté
des guitares sans fanfare
Un piano droit perdu
Un micro garde-à-vous
Des pupitres fantassins
Des marques à la craie
sur le plancher vernis
Un silence tendu j
juste avant la bataille

Un homme fait les cent pas
Ecarte le tissu
observe le vacarme
et voit sans être vu
le sourire des femmes

samedi 23 juin 2007

SOUS LES FEUX

SOUS LES FEUX

Il arrive sous les feux
Comme l’ombre de lui-même
Ebloui par l’éclat
Du silence et des mots
Il ne voit rien mais les devine
Ces regards réunis
Pour un soir et pour lui

Soudain son corps bascule
Vers des contrées moins éclairées
Tout l’indispose tout
Les projecteurs et le noir alentour
Et surtout l’indécence
De se montrer ainsi
Désespéré et nu

Alors il va chercher
Le début d’un orage
La force d’être beau
La raison d’exister
(En cabaret avec Dominique Le Guichaoua dans les années 80)

MES CABARETS DE LIBERTE

FANTOMES DE CABARET

Fantômes de cabaret
Eternelle jeunesse
J’en avais tant rêvé
De ces nuits sans retour
Vous étiez des diamants
Au cou de mes maîtresses
Mes chansons mes bijoux
Mes cordes mes désamours

Je fermais mes blessures
Sur ces cordes ouvertes
Ma guitare arpégeait
Des accords désunis
Un instant de bonheur
Sur vos lèvres offertes
La chanson a ses îles
Désespérées de pluie


C’étaient de ces nuits froides
Au creux de vos hivers
J’allais fondre la neige
Et risquer mes vingt ans

Mais dans ces cabarets
Je me l’étais permise
Cette faute de goût
Cet instant de remords
J’avais envie de tout
Et je me devais être
Ce chanteur éconduit
Par la femme d’un soir

(en spectacle à Hennebont avec Dom Le Guichaoua et Didier Riou)

SOUFFLEUR

Souffleur de verre
Du vieux théâtre
Tu as déserté l’atelier
De ton maître en vitrail
Pour t’essayer à d’autres jeux

Tu souffles encore
A t’y méprendre
Des formes ovales
Et amusantes
Tu articules dans ton réduit
Des mots d’auteur d’un autre monde
Drôle de métier que de souffler

Lever le vent dans ta poitrine
Et l’insuffler à qui veut bien
A la matière et à l’artiste
Suivre le dessin et la forme
Souffler encore
C’est ton destin

(Extraits du livret "Fantômes de cabaret" sut toile de Malou Davaut)

vendredi 22 juin 2007

PREMIERE CHANSON


PREMIERE CHANSON

Chanter le début d’un silence
Suivre le fil de soie de la première chanson
Entendre la voix passer les premiers rangs
Une vague enroulée déferle sur la salle
Deviner dans l’écho les soupçons de l’ivresse
Suivre la mélodie dans l’impasse des mots
Découvrir étonné juste un reflet de scène
Et au bout de la nuit quand la vague revient
C’est la que la chanteuse découvre sur le fil
La magie de sa voix
(Anne Lise à Ergué-Gabéric)

VA SUR LE MOLE VA


VA SUR LE MOLE

Chacun a sa façon de chanter sur le môle
Entre la braille et le chant du dauphin
Tu peux choisir ta transparence

Si le public se fait trop rare
Va à l’esquive resquiller un bravo
La mer est tapageuse
Mais elle sait écouter
Dans le raffut du vent
Elle saura bien t’attendre

Va sur le môle va
Déposer tes nuits blanches
(Michèle Padellec sur la côte des avens)

LE MICRO


LE MICRO

Il est là immobile
Au milieu de la scène
Perché haut sur son pied
Veilleur infatigable

Plus haut que moi je meurs
De tomber en disgrâce
Je rentre sur le fil
Je m’approche de lui

Sans le toucher encore
Je lance la première
Plus fidèle que jamais
Il me suit comme un frère

Je continue ainsi
A le prendre de haut
(Photo : mona Ar Beg)

LES COULISSES


LES COULISSES

Coulisses
Couleuvre lovée sur un murmure
Complice des fièvres d’aventuriers
Serpent grigri d’Afrique

Coulisses
Serpentin de couloirs
Traversée du désert
Trajet initiatique

J’en trouve un peu les portes
Les fantômes s’éclipsent
Leurs musiques s’enfuient

Je cherche la sortie
En suivant dans la nuit
Les plaintes mesurées
D’un trombone à coulisse
(Joelle Mandart justement en coulisses)

AVANT LE SPECTACLE


AVANT LE SPECTACLE

Le brouhaha des gens
Juste avant le spectacle
Voyage rassurant
Juste avant le voyage

Se laisser envahir
De cette joie commune
Se laisser parcourir
D’une paix apaisée

Le doux roulis des mots
Et les feux de Bengale
S’attardent en insistant
Jusqu’au fond de la salle

Qui seront les acteurs
Qui fera la chanson
En ce moment précis
Je n’ai plus de questions

Je me laisse emporter
Par les éclats du soir
Par les voix étouffées
Juste avant le spectacle
(Jeux des guitares sur la scène avnt le spectacle)

LE SIEGE ET LE PROJECTEUR

LE SIEGE

Le siège est là

Rouge
Neutre
Non lieu
Hors sujet
Etranger

Fallait-il l’inviter au spectacle
?

LE PROJECTEUR

Le projecteur bleu
S’ennuie là-haut
Dans ca cage de fer

Il ne supporte plus
Ses autres camarades

Le rouge l’éblouit
Le jaune l’exaspère
Le vert tire à lui
Toute la lumière

Faudra t’il le suspendre ?
(Photo de Fanch Hémery)






samedi 9 juin 2007

L'HOMME DE LA MANCHA

HOMME DE LA MANCHA

Un enchanteur enchanté
Enchante encore le bout du quai
Homme de la Mancha
Trimballeur de chansons
Son public c’est la rue
Et son peuple d’étoiles filantes

Le soleil adoucit
Le regard des passantes
Et le sourire de quelques femmes
Etrangères à sa voix
Laissons-le déplacer des montagnes et des mots
Laissons-nous somnoler au creux de ses escales
Homme de la Mancha
Tu n’es plus dans l’horloge des hommes de ce temps
Si pressés de conclure avec l’indifférence
Tu n’es plus marge du cahier
Décalé hors sujet décor froissé
Tu n’es plus rien
Rien qu’un enchantement
Encore
Au bout du quai

(Mikael Kerne après le spectacle au Moulin)

mardi 5 juin 2007

BALANCES

BALANCES

Le funambule en toi essaie encore sa perche
L’équilibre est là devant toi
A gauche à droite en plein milieu

L’homme de l’ombre au fond s’éclaire à ta lanterne
C’est lui le maître incontesté
Du son et des lumières
Ton art est si fragile devant tout ce mystère

La table de mixage comme un phare dans le soir

Alors toi tu t’appliques à essayer ta voix
A l’envoyer valser sur les murs de la salle
Elle te revient sonnée mais vivante de joie

Tu n’auras rien perdu au cœur de la bagarre
Entre toi et le son ce n’est pas le bonheur
Un passage obligé sur le chemin des coeurs


(Dominique Le Guichaoua sonorisateur d'un soir à Ergué-Gabéric)